Entre Fils du Pape et Poignardière

Chaque année je réunis toutes mes équipes dans un dîner convivial qui ressere et permet de tisser certains liens.

J'avais choisi cette fois comme cadre La Poignardière : ce manoir Belle époque situé entre Le Tranger et Châtillon trône dans un parc magnifiquement arboré.

Pour la circonstance la préparation du repas fut confiée à Fabrice Dallais; fils du Pape du Petit Pressigny, ce passionné de cyclisme est revenu depuis plus d'une dizaine d'années planter son clou dans la cuisine familiale, se chargeant des poissons et des desserts.

Moins médiatique que son père, il en possède le talent, c'était pour moi la première fois que je testais un buffet mis en saveurs par ses soins: la salade de céleri rémoulade évite soigneusement les clichés simplistes car elle possède de l'ardence en même temps que de la légèreté. Cette façon de concevoir lucidement la cuisine comme un artisanat me plait beaucoup. Pour donner la réplique le Sancerre blanc 2011 du domaine Vacheron apportait toute sa nervosité saline.

Le taboulé d'une fraîcheur savoureuse donnait une touche orientale qui préparait aux terrines de campagne délicieusement parfumées. Sur des mets aussi goûteux, rien de mieux qu'un magnum de Clos Cristal 2009 aux accents épicés avec la sève solaire du millésime. On change de cabernet avec le Château Caronne Sainte-Gemme 2004, un cru bourgeois du Haut Médoc, aux tanins fermes, énergiques avec ce qu'il faut de densité. Les moins tanniques pouvaient préférer la souplesse du 2007. Il fallait en effet du tanin de première pour faire chanter un coq au vin grand cru, escorté de lardons moelleux, croquants et de pommes de terre fondantes. Cette assiette habitée d'une ferveur gourmande galvanisante demandait l'appel du pain que l'on passe délicatement pour capturer la substantique sauce. En dessert la vivacité printanière d'une tarte aux fraises donnait la réplique à une tarte meringuée au citron du meilleur effet.